PRALOGNAN-LA-VANOISE / LE PLANAY / CHAMPAGNY-EN-VANOISE

Une longue et fascinante
histoire locale de l’alpinisme

l'histoire de l'alpinisme En bref

1860/1890

Naissance de l’alpinisme en Tarentaise

L’ascension de la Grande Casse par Mathews, Croz et Etienne Favre en 1860 marque la naissance de l’alpinisme sportif en Vanoise. L’exploit attire les premiers alpinistes fortunés, suscite des vocations de guides et incite les plus entreprenants à se lancer dans la création d’hébergement et autres activités touristiques naissantes.

Le mouvement est lancé et les premiers sommets emblématiques sont atteints : à l’Aiguille de Polset et à la Grande Motte, succède le Col de la Grande Casse, Bellecôte, … et s’achève avec le Grand Bec en 1879 par Rochat guidé par les Amiez de Pralognan.

L’alpinisme trouve un relai institutionnel avec la création du CAF en 1874, la section Tarentaise suivant un an après.

1890/1914

La Belle Epoque des premières

L’encadrement de l’activité se structure : les alpinistes issus de la bonne société partent de Pralognan, épicentre qui accueille en 1881 la fête du CAF national ; 2 refuges ouvrent (Félix Faure en 1904, puis Péclet Polset en 1913).

8 guides locaux ouvrent avec leurs clients les grandes voies : en 1887, la face Nord de la Grande Casse cède devant les Puiseux avec J.-B Amiez (Pralognan) ; le secteur de l’Epéna est exploré entre 1900 et 1901 par Mettrier et Séraphin Gromier (Planay). Le duo poursuit avec la face Nord de la Glière, la traversée intégrale des glaciers de la Vanoise, puis la Grande Motte via le glacier de Pramort.

L’ensemble du territoire est défriché par ces cordées dont les ouvertures et l’engagement suscitent, aujourd’hui encore, l’admiration. Le caractère rudimentaire du matériel et les techniques très expérimentales (premières broches de fer à l’Epéna) rendent ces entreprises plus légendaires encore.

Entre deux guerres

Des dynasties de guides-paysans

Aux précurseurs, succède une nouvelle génération de guides : leur périmètre d’action et de pratique s’élargit (premières courses de ski alpinisme)

Des dynasties, parfois rivales, naissent : les Amiez et les Favre à Pralognan, les Gromier au Planay. Joseph-Antoine Favre est le plus réputé avant-guerre : son carnet de courses aux 198 ascensions de la Grande Casse en impose ! Chacun a "ses" clients.

Depuis 1911, l’alpinisme se décline au féminin. Mlle Verney, guidée par Marcellin Amiez, ouvre la traversée des aiguilles de la Vanoise. Le duo descend en 1921 la face NO du Grand Marchet, parcours repris en ascension par Mlle Hoquet, Maurice et Robert Amiez en 1930.

Les premières majeures de l’époque : l’ascension hivernale de la Grande Casse par Joseph-Victor Favre avec Henri Julié en 1926 ; le Couloir des Italiens, en face nord de ce sommet en 1933 par Luigi Binaghi et le Comte Aldo Bonacossa (un itinéraire engagé promis à la légende). En 1936 Maurice Amiez, grand guide local de la période, traverse l’Epéna avec Jacques Rolland.

1945/79

L’Alpinisme des Trente Glorieuses

Une période très contrastée s’ouvre : d’un côté, « l’or blanc » anthropise considérablement la montagne ; de l’autre, le Parc national de la Vanoise (1963) sanctuarise le massif. De nouveaux refuges CAF facilitent l’itinérance en randonnée pédestre et à skis, comme les ascensions. La diversité des approches impose une coexistence parfois difficile.

Après-guerre les guides non locaux se concentrent sur la Nord de la Vanoise, surnom de la face Nord de l’Aiguille qui devient la paroi-référence du massif pour longtemps.

Les locaux sont accaparés par les activités de secourisme : il faut attendre les années 60 pour que de jeunes guides relancent la dynamique.

Le Grand Marchet monopolise les attentions de Pettex, puis de Ravoire, l’un des ouvreurs des années 70 les plus prolifiques du secteur. Les frères Tomio, forts grimpeurs et chantres d’un entraînement alors novateur, ouvrent des itinéraires ambitieux face Nord. Vincent Girard est très actif dans la face NO de l’Epéna et la face sud de la Petite Glière. Enfin, J.-Paul Vion se démarque par des ouvertures en solo intégral, annonciatrices des années 80.

1980

L’âge d’or de la grimpe

Une décennie dominée par l’escalade, révolutionnée par l’évolution du matériel et l’amélioration des méthodes d’entraînement. Pitons à expansion, perforatrices et chaussons d’escalade ouvrent de nouvelles possibilités et une sécurité accrue en voie rocheuse.

Une cordée emblématique de ce nouvel âge d’or des grimpeurs : J.-Marc Boivin et François Diaféria. Folie Douce en face nord de la Grande Casse, Clochards célestes au Grand Marchet, Electrochoc en face nord de l’Aiguille de la Vanoise… des noms symboliques d’une approche décomplexée et audacieuse.

Les jeunes pralognanais ne sont pas en reste : Guy Blanc, J.-Pierre Favre, Yves Favre, Roland Girod-Roux, J.-Marie Roche, Georges Rolland et J.-Paul Vion ouvrent des itinéraires proches du futur "Parc Astérix".

Non loin, côté Champagny, la muraille calcaire de l’Epéna sera le théâtre de Bataille Nivale. Ce sommet exigeant, l’équivalent de la face Nord des Grandes Jorasses aux yeux des alpinistes, voit ses boucliers de dalle céder devant Pierre Chapoutot, Franck Lafon et Joël Pollet.

1990/2000

« l’art de gravir les montagnes » au pluriel

En ski de randonnée, les itinéraires intègrent la shortlist des plus belles descentes à skis des Alpes françaises.

En ski extrême, Tardivel et ses compères signent de belles premières sur les pentes de l’Epéna. Cédric Tomio suit leurs traces et s’illustre en 2004 sur les podiums mondiaux.

L’escalade sur glace naturelle et artificielle se développe. François Damilano ouvre la voie avec la cascade en paroi Nord de la Valette en 1991 et les glaciairistes guettent ces parcours aussi exigeants qu’éphémères. Les cascades en haut du vallon de Champagny et celles de la Vuzelle au Planay sont ouvertes par Damien Souvy et Denis Tatoud.

Ce dernier crée en 2003 avec Stéphane Husson une tour de glace artificielle à Champagny. Ce laboratoire technique pallie les aléas du naturel et séduit le gratin mondial de la discipline.

En escalade, la démarche d’ouverture de voies plus accessibles, initiée par Didier Eynard et J.-Paul Grasso, est un atout dans la promotion de la discipline. Creux Noir, Grand Marchet, Arcelin,… sont explorés tous azimuts. La dynamique grimpe fait naître des "incontournables" des topo guides, des classiques pour l’aspirant-guide…mais aussi des voies parmi les plus engagées du massif.

2010/20'...

Perspectives

2010, 3 guides de Pralognan reconstituent les 150 ans de la première ascension de la Grande Casse par Mathews, Croz et Favre. S’ensuit une journée de célébration avec l’Alpine Club britannique et le descendant de Mathews en invité d’honneur !

Le Parc National fête en 2013 ses 50 ans en renouvelant la scénographie de sa Maison et en plaçant la médiation au cœur de son action.

A l’initiative d’amateurs éclairés ou de jeunes guides, le massif continue de se doter de nouvelles voies d’escalade engagées. La relève semble assurée, mais de nouveaux défis apparaissent.

Evolution des pratiques et des pratiquants, évolution du milieu bouleversé par les changements climatiques inédits dans la courte histoire de l’alpinisme, coexistence des approches et des acteurs locaux et institutionnels… autant de nouveaux facteurs à prendre en compte pour poursuivre une conquête somme toute loin d’être inutile, puisqu’au bout, s’y révèlent souvent les êtres, et toujours la beauté des cimes.